Deïnos MC

Deinos est un MC bien trop modeste en appelant son nouvel album « Recyclage 2 rage » car il fait bien plus que recycler. Loin de jouer les éboueurs, c’est plutôt un alchimiste qui transforme sa rage en véritables pépites de trois minutes malignes et percutantes.

Est-ce que tu peux commencer par nous éclairer sur ton parcours ?

Deïnos MC : Yes ! J’ai commencé à écrire il y a 5 ans mais je pense que, pour t’éclairer sur le pourquoi j’ai commencé, il faut remonter avant… J’étais  dans le brouillard : j’avais arrêté l’école, je n’étais pas du tout préparé à
sortir du cadre. Je n’avais trouvé aucun domaine qui me convenait et je me suis plutôt enfoncé dans l’aveuglement. Comme on est beaucoup à être perdus, on a tendance à s’aveugler ensemble. Après avoir bien touché le fond du non-sens et de l’errance, quand tout semble s’accorder pour bloquer ta tête sous l’eau, j’avais un choix à faire : soit je lâchais, soit je m’en sortais. En prenant en considération toute les conséquences d’un « J’lâche l’affaire », j’ai
CHOISI la deuxième option. Dans la foulée j’ai découvert l’écriture comme moyen d’expression et de délivrance. J’ai décidé d’écrire ma reconstruction, la découverte de moi-même, les causes de ma perte, faire le lien avec mon passé, les causes et les conséquences personnelles et collectives. J’ai découvert des artistes qui ont empruntés aussi ce chemin : Assassin, Keny Arkana… Et ç’est ce que j’ai voulu faire. Ça m’aide moi et les autres alors c’est parfait pour m’accomplir en tant qu’être humain. « Aide toi et la vie t’aidera ». Après ça, tout s’est goupillé dans le bon sens : j’ai commencé à enregistrer des morceaux, à comprendre la musique, l’écriture, j’ai fait du théâtre, de la création de spectacle, de la musique dans les rues. J’ai voyagé grâce à elle. J’ai fait du slam, animé des scènes slam, des ateliers d’écriture, tout ça avec de bonnes sensations et des bons retours. Alors grâce à toutes ces expériences j’ai sorti deux albums. Et avec ces albums j’ai pu faire des concerts/spectacles et développer et propager l’idée  « Recyclage de Rage ».

Il y a une grosse énergie positive dans cet album. Tu peux nous en dire plus ?

D. : Il y a quelque chose qui se passe qui est assez prodigieux :  par la création, toujours dépendante des choix et du travail personnel comme illustré plus haut, un poids, une émotion négative, se transforme en texte à vocation positive. C’est en cherchant les causes, en essayant de comprendre, en prenant du recul que parfois on arrive à déceler le message de vie qu’il y a dedans. Ce n’est pas toujours facile mais quand on est prêt, c’est le bon moment. Il y a moyen de voir les choses qui nous arrivent comme des messages de la vie pour nous libérer. On prend note, on réfléchit, on se relâche pour laisser la vie faire son taf et doucement ça pousse. L’écriture est une étape de plus dans ce processus et elle est importante car elle matérialise tout le travail interne qui s’effectue, c’est la récolte de notre humanité.

Est-ce que cette rage est ton seul moteur pour écrire ?

D. : Non pas vraiment, ça peut partir de bien d’autres matières et heureusement. En plus, la rage travaillée devient autre chose et cette autre chose est souvent à travailler encore. Ce titre « Recyclage de Rage » est très proche de mes premiers écrits, ça arrive vraiment après une accumulation, un surplus de vibes négatives qui m’alourdissaient jusqu’à l’immobilisation. Alors forcément le début est plus teinté de rage travaillée. Ce titre est aussi là pour stipuler que le recyclage peut englober la rage mais que son champ d’action est vaste. La rage n’est pas forcément vouée à se transformer en violence, en autodestruction. C’est ce que je veux expliquer : la violence et l’autodestruction vont recréer de la rage et alimenter le cercle vicieux. Face au monde fou dans lequel on vit, soit on se résigne, soit on
casse tout, soit on se tue à petit feu ou brutalement. Le recyclage, c’est pour sortir de ce cercle. C’est trouver l’équilibre entre agir et se laisser aller.

Alors que tu aimes jouer avec les mots, tu as choisi de nommer cet album quasiment comme le précédent. Pourquoi ?

D. Il y a eu le premier « Recyclage de Rage » et le deuxième « Recyclage 2 Rage – Libre Qui Est ». Ils se comprennent ensemble. Ils décrivent le même processus et, pour le second, il y a sans doute eu un affinage. Le deuxième porte le sous titre « Libre Qui Est » avec la notion d’équilibre. C’est un parallèle avec le processus alchimique : transformer le plomb en or nécessite de passer par une phase de déstructuration de la matière et ensuite par un rééquilibrage pour sa reformation. Lorsqu’on réussit l’équilibrage juste, on obtient la quintessence de la matière. La rage (le plomb) brûle dans mon ventre, se rééquilibre dans ma tête, dans mon coeur et ressort dans mes écrits. Et si le processus est juste, l’écrit devient une œuvre (l’or). Alors, pour répondre à ta question, il se nomme ainsi par ce que c’est la suite logique du premier. Et les prochains projets comporteront aussi des clins d’œil en lien avec ce processus. Je pense que dans l’art il s’agit tout le temps de ça.

Quels sont tes liens avec la scène hip hop régionale ?

D. : Je connais la scène hip hop rémoise et châlonnaise : le rap, un peu le graf et la danse. Pour l’instant, je travaille surtout en solo mais il y a certaines personnes avec lesquelles j’ai pu collaborer pour le dernier album. Il a été enregistré, mixé et masterisé chez Jo, membre du groupe Paragraff, un gars cool, passionné qui s’est mis au service du projet et qui fait ça pour pas mal de gens donc ça m’a aussi permis de les rencontrer. Il y a Max L’1primer qui est présent sur l’album et avec qui je fais des concerts. Grâce aux concerts, aux tremplins comme le Looper tour ou le Carto Blaster, j’ai pu rencontrer différentes forces vives de la scène locale et c’est super de voir qu’il y a des motivés. Après je ne me sens pas appartenir exclusivement à la scène Hip Hop, je pense avoir une large ouverture sur les différents univers artistiques. J’ai d’ailleurs la volonté de collaborer prochainement avec des musiciens jazz, expérimenter des fusions d’expressions. La musique africaine m’attire aussi. Et de toute façon, mon humanité développera toujours un lien fort avec toute personne qui nous poussera vers le haut avec ce qu’il fait.

Crédits photos, dans l’ordre : La Cartonnerie, Ismael Taggae, Joël Dera.

https://deinos.bandcamp.com/album/recyclage-2-rage-libre-qui-est-deinos-mc

 
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